Le cimetière de l’Est, dit du Père-Lachaise, ouvre le 21 mai 1804. Dès les premiers mois d’existence du cimetière, trois types d’inhumations sont proposés aux Parisiens du quart nord-est de la capitale.
- la tranchée gratuite ou fosse commune
- la fosse individuelle temporaire: 50 francs pour une durée de 5 ans renouvelable.
- la concession à perpétuité: 250 francs, accordée uniquement “à ceux qui offriront de faire des fondations ou donations en faveur des pauvres et des hôpitaux, indépendamment [de la] somme qui sera donnée à la commune.”.
Les deux dernières options sont des innovations introduites par le Décret Impérial sur les Sépultures du 12 juin 1804. A noter que ce même décret ne fait pas mention des tranchées gratuites mais, du fait de la pression démographique, la ville de Paris n’a d’autre choix que de maintenir cette pratique.
En toute logique, les premières inhumations ont lieu en fosses communes dès le 21 mai 1804 mais les noms des défunts ne sont pas notés dans le premier Registre journalier des inhumations. Ces tranchées gratuites sont situées en contrebas du château, dans une partie du domaine facile d’accès, non-arborée et présentant une topographie relativement peu accidentée. Elles sont signalées sur le plan ci-dessous par un ensemble de petite croix.
La première personne inhumée au Père-Lachaise reste – et restera – donc anonyme. On ne commence à noter le nom des Parisiens inhumés en tranchée gratuite qu’à partir de l’ouverture du 2ème Registre des inhumations, en juillet 1818, ce qui m’avait amené à penser – à tort – qu’il n’y avait pas de fosses communes avant cette date.
Pour la petite histoire, la première personne répertoriée comme étant inhumée en fosse commune au Père-Lachaise s’appelait Antoine Dulac, 75 ans.
Les Registres journaliers nous apprennent que dans quelques rares cas, des corps furent tirés de la fosse commune plusieurs jours après leur inhumation afin d’être transférés vers une autre sépulture.
La première inhumation en fosse individuelle temporaire
4. Chaque inhumation aura lieu dans une fosse séparée : chaque fosse qui sera ouverte, aura un mètre cinq décimètres à deux mètres de profondeur, sur huit décimètres de largeur, et sera ensuite remplie de terre bien foulée.
5. Les fosses seront distantes les unes des autres de trois à quatre décimètres sur les côtés, et de trois à cinq décimètres à la tête et aux pieds.
6. Pour éviter le danger qu’entraîne le renouvellement trop rapproché des fosses, l’ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n’aura lieu que de cinq années en cinq années ; en conséquence, les terrains destinés à former les lieux de sépulture seront cinq fois plus étendus que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année.1
La première personne à être inhumée en fosse temporaire individuelle fut une petite fille de 5 ans, Adélaïde Paillard de Villeneuve. C’est son nom que l’on peut lire en consultant le premier Registre journalier des inhumations, conservé au cimetière. Elle mourut le 15 prairial An XII. Localiser l’emplacement de sa tombe, dont plus aucune trace ne subsiste, ne fut pas une mince affaire. Vous connaîtrez le détail de ma quête et son issue – heureuse – en consultant l’article que je lui ai consacré.
Pour les pressés, voici la réponse, ci-dessous, avec, en prime, l’emplacement de la 2nde concession temporaire. Les deux se situent tout en haut de la 60ème division, au croisement entre le chemin Bion et l’avenue Circulaire.
Les premières concessions temporaires furent donc établies à deux pas des fosses communes, sans doute pour des raisons pratiques: l’essentiel du travail des fossoyeurs se faisaient dans un même secteur, tout en bas du domaine.
A noter que, en l’absence de système de réfrigération chez les entrepreneurs des pompes funèbres au début du XIXème siècle, les inhumations avaient lieu un ou deux jours après le décès. Les fosses temporaires pouvaient donc héberger un défunt le temps que la famille fasse l’acquisition d’une concession à perpétuité. De même une concession à perpétuité pouvait très bien être convertie en perpétuité plusieurs années après le décès. Ce fut le cas pour Reine Févez par exemple.
La première concession à perpétuité
10. Lorsque l’étendue des lieux consacrés aux inhumations le permettra, il pourra y être fait des concessions de terrains aux personnes qui désireront y posséder une place distincte et séparée pour y fonder leur sépulture et celle de leurs parents ou successeurs, et y construire des caveaux, monuments ou tombeaux.2
Le premier a avoir eu la chance de pouvoir bénéficier d’une concession à perpétuité s’appelait Pierre Jacquemart, mort à 65 ans et inhumé le 9 juillet 1804. Marchant de Beaumont écrit en 1820:
Entre deux cénotaphes carrés de simple pierre s’élève une borne antique de neuf à dix pieds, ornement funéraire très usité chez les anciens. Cette masse de constructions débordant le feuillage est consacrée à la mémoire de M. Pierre Jacquemart, d’abord fabriquant renommé de papiers peints, puis fondateur du comptoir commercial.
Cette tombe est toujours visible dans la 29ème division, proche de son état d’origine.
Comme c’était son droit, M. Jacquemart choisit d’être inhumé bien loin des tranchées gratuites, sur les hauteurs du cimetière, dans ce que l’on appelait alors les Allées de Vincennes. Ce bosquet, bordé d’une double rangée de tilleuls, était l’un des vestiges du domaine des Jésuites et offrait alors un beau panorama sur le sud-est parisien, y compris sur le donjon de Vincennes (d’où le nom). Inutile de chercher ce panorama à présent, il est occulté par une rangée de tombes de l’autre côté du chemin. Quant aux tilleuls, leur bel alignement a lui-aussi aussi disparu et l’espace a été loti depuis longtemps. Cependant, il reste encore quelques arbres matures et le tracé de l’allée de Vincennes se devine encore si l’on prête attention à l’orientation de certaines tombes anciennes.
avril 3, 2016
Fascinant ! Bravo Marie !
avril 3, 2016
Bonjour,
Je viens de passer un agréable moment à vous lire. Dans ma jeunesse j’allais souvent au père Lachaise. Je croyais connaître mais je constate mon ignorance.
Merci à vous
novembre 5, 2016
Re-reading this post I had to return to my database and update a few details — grazie mille Marie!
mai 3, 2021
Bonjour j’ai fait l acquisition de deux volumes de 1816 “M.Roger Père et Fils Cimetière Mont Louis dit du père delachaise” comportant 38 planches parlant de 2000 mausolées. Il paraitrait qu’il existerai un troisième volume paru plus tard en 1817.
mai 3, 2021
Bonjour, l’ouvrage auquel vous faites référence est incontournable mais très rare de nos jours: vous avez eu beaucoup de chance de le trouver à la vente. Il est heureusement accessible en version numérique sur gallica.fr (voir la page “Ressources” de ce site). En 1815, quand Roger père et fils ont fait leurs relevés, ils ont en effet dénombré environs 2000 monuments, pour la plupart très modestes. A ma connaissance, le tome 3 n’a jamais été publié.
mai 4, 2021
Bonjour. Merci pour vos informations , sinon concernant le tome 3 pour 1817 il écrit dans dans le tome 1 qu’ils avaient commencé a faire des relevés de nom ….