Attention, scoop! C’est totalement par hasard que je suis tombée sur la tombe de Georges Jacob père cette semaine, en parcourant une liste de noms dans les registres d’inhumations du Père-Lachaise.
Si le nom de Georges Jacob ne vous dit peut-être rien, il m’est en revanche bien connu puisque ce menuisier-ébéniste réputé a produit, au cours de sa très prolifique carrière, une pièce de mobilier devant laquelle j’étais tombée en pâmoison (excusez du peu) lorsque, étudiante, je travaillais au château de Versailles. Ce fauteuil, d’une délicatesse infinie, fait partie du « mobilier aux épis » visible dans la chambre de la reine à Trianon.
Avec une commode de Jean-Henri Riesener 1, exécutée pour la bibliothèque de Louis XVI, ainsi que le fameux secrétaire à cylindre de Louis XV, du même artiste, ce fauteuil fait partie de mon panthéon mobilier…
Georges Jacob était réellement une star dans son domaine, la conception et la fabrication de sièges de toutes espèces et de toutes formes : en cabriolet, à la Reine, à l’anglaise, etc. Pendant près de 50 ans, Jacob sut renouveler sa production, créant sans cesse de nouvelles formes et de nouveaux modèles. La dynastie qu’il fonda fournit les plus grandes maisons d’Europe pendant plus de 80 ans, sur trois générations, du règne de Louis XV à celui de Louis Philippe.
Issue d’une famille de laboureurs de l’Yonne, George Jacob est envoyé à Paris à la mort de son père. Il y vit chez sa tante qui habite le Faubourg Saint-Antoine. Placé chez un maître menuisier, il passe lui-même sa maîtrise en 1765 et connait un succès rapide ce qui lui permet d’ouvrir son propre atelier rue de Cléry, rue spécialisée dans la fabrication de sièges, avant de déménager rue Meslée (actuellement rue Meslay dans le 3ème arrondissement), dans des locaux plus vastes. Il est très apprécié par Marie-Antoinette et ses beaux-frères, les futurs Louis XVIII et Charles X. Sa notoriété dépasse les frontières et ses créations se retrouvent chez les princes étrangers, dont le future George IV d’Angleterre.
La Révolution le ruine, la majeure partie de sa clientèle ayant fui à l’étranger, souvent sans régler ses dettes. Malgré la protection de David, il passe à plusieurs reprises devant le tribunal révolutionnaire, accusé d’avoir travaillé pour la couronne, et est même emprisonné un temps à la Conciergerie.
En 1796, il cède la main à ses fils et loue son entreprise à ses deux aînés, Georges II et François. La maison prend le nom de Jacob Frères et réalise, entre autres, le fameux lit de Juliette Récamier (musée du Louvre) et le mobilier de la Malmaison et des Tuileries pour Bonaparte, alors Premier consul. Après la mort de Georges le fils en 1803 2, Georges le père reprend les rênes de l’entreprise familiale et crée une troisième société, Jacob-Desmalter et Cie, avec son cadet, François (Desmalter renvoie au nom d’une terre ayant appartenu à la famille, dans l’Yonne). L’entreprise travaille à présent pour la cour impériale – c’est Jacob-Desmalter et Cie qui crée le mobilier du sacre de Napoléon à Notre-Dame – mais envoie aussi un tiers de sa production à l’étranger.
Malheureusement, la crise de 1810 provoque la chute de la maison Jacob. Victime de la mauvaise gestion de François et du retard de certains paiements, la société est déclarée en faillite le 15 octobre 1813 et les scellés sont apposés sur les biens des Jacob, père et fils.
Affaibli, Georges Jacob se retire quelques temps au bon air de Chaillot mais meurt dans sa maison de la rue Meslée le 5 juillet 1814, ruiné.
Son inhumation a lieu dès le lendemain, dans une fosse temporaire – la n°13 – située sur la « 20ème ligne en face la 18ème près du tertre donnant sur Mesnil-Montant, vis-à-vis l’officier russe Krudener et M Pontrévé. » Ayant acquis une expérience certaine dans la lecture des indications des registres journaliers, j’ai pu sans trop de difficulté localiser l’emplacement de la tombe dans l’actuelle 46ème division, le long de l’allée transversale n°1.
La dalle moussue qui recouvre le 13ème emplacement de la ligne d’origine n’est bien entendu pas celle de l’ébéniste. La tombe a disparu depuis bien longtemps et la concession a été réattribuée depuis. Il ne reste donc plus aucune trace au Père-Lachaise de ce grand artiste que fut Georges Jacob.
PS : Si la maison Jacob-Desmalter connut à nouveau la prospérité dès 1815, elle ferma définitivement ses portes en 1847. Le petit-fils de Georges, Georges Alphonse Jacob-Desmalter (+1870), qui avait repris le flambeau en 1825, préféra vendre l’entreprise familiale, à nouveau en difficulté, pour se consacrer à l’architecture dont il fit son métier. Il repose au Père-Lachaise, dans la 15ème division au côté de son père, François (+1841).
Sources:
Le site personnel de Françoise Chambon, consacré à la commune de Chény, offre une présentation de la dynastie Jacob bien plus détaillée que la mienne. Vous y trouverez de nombreux documents au format .pdf, y compris le récit de l’identification de la tombe de Georges II Jacob au cimetière Sainte-Marguerite. En outre, c’est de ce site que son tirés les portraits des Jacob.
A consulter aussi, un article intéressant sur le site de la Fondation Napoléon: https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/biographies/jacob-famille-debenistes-1765-1847/
- Jean-Henri Riesener est mort à Paris le 6 janvier 1806. J’ignore où il fut inhumé mais sa descendance repose dans la D12.
- Il fut inhumé au Cimetière Sainte-Marguerite de Paris où l’ont peut toujours voir sa tombe.
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