Le 7 décembre 1815, le maréchal de Michel Ney est fusillé vers 9 heures du matin place de l’observatoire à Paris pour avoir “attenté à la sûreté de l’État”. Je n’énumérerai pas ici les faits de gloire du maréchal, ni ne ferai le récit de son procès, déjà bien documentés. Je vous encourage d’ailleurs à consulter l’article de Marie-Christine Pénin sur l’excellent site http://www.tombes-sepultures.com).
Son corps fut veillé toute la nuit par les sœurs de la Charité à l’hospice de la Maternité (actuel hôpital Cochin) avant d’être inhumé le lendemain matin au Père-Lachaise. François-Frédéric Cotterel, dans Précis historique de la vie et du procès du Maréchal Ney (1816), nous apprend que le corps du maréchal fut “déposé dans un cercueil de plomb, et transporté le lendemain à 6 heures du matin au cimetière du Père-Lachaise” (p. 72).
Ney avait encore de nombreux partisans, en particulier dans les rangs de l’armée: l’inhumation se fit de nuit, en catimini, afin d’éviter toute manifestation de sympathie ou de colère au passage du convoi funèbre.
Les guides publiés l’année suivant l’exécution du maréchal indiquent que Michel Ney fut inhumé auprès de son beau-père, Pierre-César Auguié, décédé quelques mois auparavant, dans ce qui est aujourd’hui la 44ème ou la 45ème division, carré alors consacré aux sépultures temporaires.
On possède plusieurs représentations de la tombe:
Dans le même ouvrage d’Arnaud, on peut lire que “[d]ans l’origine, ce tombeau était situé près du mûr de clôture, entre le quinconce et la superbe allée de charmilles que l’on a détruite. […] Le tombeau du maréchal était, chaque jour, orné de plusieurs couronnes. La terre, enfermée dans une balustrade, était incessamment jonchée de fleurs et ombragées de lugubres cyprès.“
Sur le plan dit d’Arnaud que vous voyez plus haut, le quinconce est figuré par le carré de petits points à gauche de la tombe du maréchal tandis que l’allée de charmilles, à droite, conduisait à la tombe de Caroline Rivière, n°46 sur le plan.
Un autre témoignage nous confirme que la tombe de Michel Ney était devenue un an après sa mort un lieu de pèlerinage pour les admirateurs du brave parmi les braves.
Au moment où nous avons fait notre dernière visite du père La Chaise (le 28 avril 1816), cette tombe était jonchée de bouquets, et de couronnes de fleurs entrelacées d’immortelles. Sur la pierre, de nombreuses inscriptions avaient été mises au crayon, et sans doute elles étaient un peu trop en harmonie avec les causes qui ont conduit le Maréchal à la mort, car une main plus prudente avait pris soin de les effacer.1
En mai 1816, M Gamot, beau-frère du maréchal, sollicite l’autorisation de la Préfecture de Police afin de faire exhumer le corps de Ney, ainsi que celui de son beau-père M. Auguié, pour les faire transférer tous deux dans le caveau de famille à l’emplacement que l’on connaît aujourd’hui, acheté dès 1815 mais resté a priori inoccupé jusque là, dans la 29ème division 2. L’autorisation lui est d’abord refusée.
Il dut cependant finir par obtenir satisfaction, peut-être dès décembre 1816 comme le suggère Emmanuel Fureix dans la France des larmes : Deuils politiques à l’âge romantique (1814-1840). Toujours est-il que sur le plan dit de Giraldon-Bovinet de 1824, la tombe du maréchal est indiquée à son emplacement actuel.
Le monument représenté plus haut sur les deux gravures ne fut de toute évidence pas transféré puisque la tombe resta longtemps anonyme. En 1821, Basset de Jolimont écrit dans les Mausolées Français:
C’est non loin des pyramides en marbre, des sarcophages pompeux de ses anciens compagnons dont il partagea souvent les lauriers, que sont déposés, sous un humble gazon, sans aucun signe extérieur, les restes oubliés du maréchal Ney. Là, souvent le philosophe arrête ses pas : le hasard lui a révélé le secret de la tombe ! il observe en silence et médite péniblement sur les étranges et funestes effets des dissensions civiles…
Puis, en note:
Un modeste monument fut d’abord élevé sur la tombe du maréchal Ney ; mais bientôt, objet d’un culte fanatique, jonché chaque jour de fleurs et de couronnes, et couvert d’inscriptions inconvenantes, on a cru devoir le faire disparaitre. Le corps fut placé secrètement dans un autre endroit du cimetière, et le bruit se répandit que la famille l’avait fait transporter dans une terre éloignée. Le secret fut bientôt découvert, mais respecté, et le nom du maréchal, mille fois inscrit par les curieux sur la grille qui entoure le nouveau lieu de sa sépulture, est le seul hommage tacite qu’on se soit permis de rendre depuis à sa mémoire.
La gravure suivante, tirée des Principaux monuments funéraires de Père-Lachaise, de Montmartre, du Mont-Parnasse et autres cimetières de Paris, nous donne une idée de l’aspect de la tombe en 1839.
Le même ouvrage fournit une description précise du monument:
Ce caveau n’a rien de remarquable. Un tapis de gazon couvre la superficie du terrain. Il y avait naguère un laurier à chaque angle et des fleurs au pourtour. L’ouverture, qui se trouve à fleur de terrain, est fermée par une pierre à chassi (sic), entourée d’une balustrade en fer, d’environs 5 pieds de haut.
Ce n’est qu’au début du XXème siècle que l’on érigea le monument actuel.
- M. P. St.-A., C. L. F, Promenades aux cimetières de Paris, aux sépultures royales de Saint-Denis et aux catacombes, …
- Henri Welschinger, Le Maréchal Ney, 1815, citant la référence F7 6683, dossier conservé aux Archives Nationales
février 27, 2017
Je déguste vos études comme un vieux cognac, gorgée par gorgée et avec délice…
Encore une fois, j’ai appris ici les véritables tribulations de la tombe de Ney. J’avais lu que ses restes avaient été transférés dans la nouvelle tombe en 1903 (avec en prime l’histoire de fossoyeur qui aurait trouvé le cercueil vide !) et j’en étais resté là… Mais comme vous dites il faut en revenir aux sources et surtout, aux plans. En passant, j’ai constaté que la coquille que vous révélez en légende de la gravure de la tombe de Ney est corrigée dans l’édition numérisée par Google !
Enfin, quel crédit accordez-vous à la rocambolesque histoire de l’exfiltrage de Ney tel que décrit par exemple ici ? http://www.napoleonicsociety.com/french/neycazottes.htm dont l’auteur, malheureusement, se garde bien de citer ses sources. C’est une légende qui a la peau dure car je l’ai entendue dans la bouche d’autres conférenciers, ailleurs qu’au Père-Lachaise. Bien à vous.
février 27, 2017
Beaucoup préféreront toujours la légende aux faits et c’est encore plus vrai pour les guides qui aiment titiller la curiosité de leur auditoire et si possible le faire frissonner. La cartésienne que je suis craint malheureusement que le Maréchal n’ait péri sous les balles…
octobre 9, 2017
est-ce que je peux traduire votre article en chinois? pas pour l’usage commercial juste pour les gens qui veux connaitre les choses sur Ney
octobre 10, 2017
Bonjour, vous pouvez bien entendu traduire l’article. Je vous demande juste d’en indiquer la source. Bonne journée, Marie.
octobre 10, 2017
oui biensur