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Le projet de l’architecte
Au crépuscule de sa carrière, Alexandre-Théodore Brongniart, architecte reconnu et inspecteur général en chef de la Deuxième section des Travaux publics du Département de la Seine et de la Ville de Paris, se voit charger de concevoir le plan du cimetière de l’Est, dit du Père-Lachaise ou Mont-Louis. Sa tâche est de transformer l’ancien domaine des Jésuites, utilisé comme cimetière depuis 9 ans déjà, en un lieu à la fois fonctionnel et propice à la promenade et au recueillement.
Dans le petit opuscule intitulé Plans du palais de la Bourse de Paris et du cimetière Mont-Louis… , en six planches, par Alexandre-Théodore Brongniart, architecte ; précédés d’une notice sur ces plans et sur quelques autres travaux du même artiste, publié en 1814, on peut lire:
… il sentait que le lieu devant convenir à tous les états, à toutes les opinions humaines, il ne fallait lui donner d’autre caractère dominant que celui de la noblesse sans magnificence, et de la simplicité sans négligence; qu’il devait inspirer à certaines âmes des sentiments religieux sans terreur, et à toutes le respect, le recueillement sans tristesse, et enfin une sorte de charme mélancolique, résultat de la nature et de la disposition de ses monuments.
Le plan qui figure ci-dessus, conservé au Carnavalet, fut dressé par l’architecte vers 1810: il s’agit d’un projet d’aménagement du cimetière qui ne fut pas réalisé dans son intégralité du fait de la mort de Brongniart à l’âge de 74 ans le 6 juin 1813. Je vous invite à suivre ce lien pour accéder au plan dans une meilleure résolution mais en noir et blanc: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57591911/f36.image
L’aménagement du terrain
Rappelons tout de même que Brongniart avait dû composer avec diverses contraintes. En marge du plan en noir et blanc, en lien ci-dessus, il est d’ailleurs noté que “l’architecte a été obligé de se conformer aux plantations déjà faites et de s’assujettir à la forme et au mouvement du terrain.” En outre, le cimetière ayant ouvert en 1804, Brongniart avait aussi hérité d’un terrain déjà en partie loti, bien que de façon très clairsemée: fosses communes au nord-ouest (repère G sur le plan, voir plus bas), cimetière juif (repère F) , alignements de concessions temporaires en divers endroits du cimetière (repères H) ainsi que 71 concessions à perpétuité (au 1er janvier 1813), réparties ici et là.
Dans le même ouvrage mentionné plus haut on peut d’ailleurs lire cette référence aux tracés hérités du parc des Jésuites, espaces où avaient été établis les premiers tombeaux et dont les allées de Vincennes sont le parfait exemple:
En allant sur le terrain, toutes ces allées droites, ces bosquets réguliers […] portent plus qu’aucune autre l’empreinte de la main de l’homme, les tombeaux s’y sont accumulés, et offrent l’image des hameaux et des jardins réguliers, qui, au milieu d’un pays sauvage, indiquent la présence de l’homme et de ces arts.
Au début du XIXème siècle, le cimetière présente donc un visage que l’on ne lui connaît plus: des espaces relativement vides contrastent avec de petites zones arborées plus densément loties.
Le plan établit par Brongniart présente un parc à l’anglaise, inspiré des parcs à fabriques en vogue à la fin du XVIIIème siècle, tout en courbes, exploitant les dénivelés du terrain, ménageant la surprise et les vues sur les capitale.
Ce plan, novateur pour l’époque, servit de modèle à l’établissement de nombreux cimetières tant en Amérique du Nord qu’en Europe dans la première moitié du XIXème siècle, je pense notamment à Mount Auburn à Boston (1831) et à Kensal Green (1833) et Highgate (1839) à Londres.
Les bâtiments projetés
Brongniart opta pour un style néoclassique très en vogue à l’époque, riche d’éléments gréco-romains et se caractérisant par une grande sobriété des formes pouvant s’accompagner de discrets décors sculptés.
Cette partie de l’article traitant uniquement des bâtiments, je n’aborderai pas les repères F, G et H. Pour toute information sur les premières sépultures, n’hésitez pas à consulter l’article que je leur ai consacré.
Repère A
Le portail d’entrée, placé en toute logique dans l’alignement de la chapelle, ne fut pas construit sur les plans de Brongniart. Il est tout de même évident que l’architecte Etienne-Hyppolyte Godde qui construisit le dit portail en 1820 s’inspira de ses dessins: plan en hémicycle, sabliers ailés en médaillons et guirlandes de fleurs. Il rajouta simplement des flambeaux et remplaça les grilles, qui permettaient de jouir de la vue sur le cimetière depuis le boulevard, par une lourde porte.
Repère B
Entre le portail du cimetière et la chapelle principale, devait s’élever une “chapelle des dépôts pour les convois”. Ce bâtiment de style antique, décoré de larves et de flambeaux renversés (projet 1) ou d’une frise sculptée (projet 2), devait permettre aux convois de patienter à l’abri des éléments. Il aurait aussi pu faire office de chapelle pour les inhumations en fosses communes.
Repère C
En guise de chapelle, Brongniart avait prévu d’édifier une pyramide, témoin de l’engouement de l’époque pour le style égyptien depuis la campagne d’Égypte de Napoléon (1798-1801). Elle devait se distinguer des autres monuments par sa couleur orangée, peut-être due à l’emploi du meulière comme matériau de construction. Elle aurait été destinée à abriter les cérémonies des différents cultes.
Cette pyramide ne fut pas édifiée et une chapelle de facture néoclassique fut bâtie à son emplacement sur les plans de Godde en 1823. En pleine Restauration, peut-être la forme pyramidale était-elle trop associée à l’Empire?
Repère D
Ce repère porte la mention d”Entrée actuelle.” Cette entrée existe toujours rue du repos. Je vous invite à lire mon article sur les Communs du Mont-Louis pour en savoir plus.
Repère E
La maison du concierge et les bâtiments de service furent installés dans le corps de ferme hérité du Mont-Louis. Comme pour le repère D, allez voir mon article pour plus de détails. Les constructions d’origines ont disparu et ont été remplacées par les bâtiments actuels datant de la toute fin du XIXème siècle et du début XXème.
Repère I
Ce repère n’a pas de légende. Il indique un portail en hémicycle qui donnait autrefois accès aux champs au nord-est du domaine du Mont-Louis. Cette sortie, condamnée peu de temps après l’ouverture du cimetière, servait de niche à la tombe de Caroline Rivière. Voir mon article sur le site de Philippe Landru.
Repères J
En guise de fabriques, Brongniart avait prévu de placer en des points stratégiques trois monuments remarquables. Les “fabriques” ne furent pas bâties sur les plans de Brongniart mais les imposants monuments de Casimir Perier (+1832) et de Félix de Beaujour (+1836) occupent à présent deux de ces espaces. On peut considérer que la chapelle Greffulhe, construite du vivant de l’architecte, représentée en médaillon sur le plan qui ouvre cet article, figure elle aussi dans cette catégorie.
Repère K
Enfin Brongniart avait aussi prévu l’édification d’un Campo Santo: certains murs de clôture du cimetière devaient abriter des tombeaux sous des arcades, à la manière des cloîtres funéraires médiévaux dont on voit encore quelques exemples en France et dont le modèle est répandu dans les cimetières italiens. On aurait alors vu s’aligner le long des murs des dizaines de petites chapelles individuelles, toutes bâties sur le même modèle.
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